Depuis le 23 avril, la France mène une opération militaro-policière à Mayotte, son département voisin de Madagascar, pour expulser les migrants de l’archipel. L’opération, conçue par le ministère français de l’Intérieur sous la direction de Gérald Darmanin, et lancée par le président Emmanuel Macron lui-même, a été baptisée Wuambushu, shimaori signifiant « retourner » ou « reprendre ». L’objectif de cette opération est l’expulsion et la déportation de tous les migrants sans statut légal vivant dans les bidonvilles des îles de Mayotte. Ils seraient expulsés vers les Comores, l’archipel voisin, d’où ils sont majoritairement originaires. Malheureusement pour les personnes concernées, leur accueil est refusé par les autorités de la Chambre. Le 25 avril, le tribunal local de Mayotte a jugé que les autorités françaises n’avaient aucune base légale pour cette opération, mais les expulsions et les manifestations qui les accompagnent se poursuivent.
Les Comores et Mayotte sont d’anciennes colonies françaises. Les Comores ont proclamé leur indépendance de la France en 1975, tandis que Mayotte est devenue un département d’outre-mer de la République française. Les migrants venus des Comores voisines, espérant une vie en France, se rendent donc à Mayotte. Nous avons discuté avec Uwimana, collaborateur de l’organisation panafricaine de médias numériques African Stream, de l’opération Wuambushu. Selon lui, la légitimation de l’opération par le ministre de l’Intérieur, par ailleurs membre du parti Renaissance de Macron, est tout à fait d’extrême droite.
Ces dernières décennies, des dizaines de milliers de personnes en provenance des Comores voisines sont arrivées à Mayotte. Les campements de migrants représentent 40 % de l’ensemble des habitations de Mayotte, et la population migrante représente environ la moitié de la population de Mayotte. Les autorités françaises prévoient d’expulser et de détruire des milliers de campements de migrants au cours des deux prochains mois. Les migrants qui peuvent prouver leur nationalité française ou leur titre de séjour seront relogés dans des centres d’hébergement provisoires – même si l’on ignore encore s’il y en a suffisamment – et ceux qui ne peuvent pas prouver leur nationalité seront expulsés vers les Comores. Selon les plans, entre 250 et 280 personnes devraient être expulsées chaque jour.
L’une des principales motivations des autorités françaises dans la mise en œuvre de l’opération Woumbashu serait le taux de criminalité élevé à Mayotte.
Les Mayottens ont voté par référendum en 1974 et 1976 pour le maintien de leur lien avec la France, ce à quoi les Nations Unies se sont opposées dans plus de vingt résolutions. L’Union des îles des Comores, qui comprenait Mayotte avant les référendums, ne reconnaît pas la dépendance de Mayotte à l’égard de la France. Aujourd’hui encore, les Comores revendiquent leur propre souveraineté sur Mayotte. En 1976, 11 des 15 membres du Conseil de sécurité des Nations Unies ont soutenu la souveraineté des Comores sur Mayotte, mais la France, en tant que membre permanent du Conseil, a opposé son veto à cette décision. Mayotte est devenue un département français d’outre-mer en mars 2011 à la suite d’un référendum organisé deux ans plus tôt. Plus de 60 % des habitants de Mayotte ont participé au référendum, plus de 95 % des participants ont voté pour le changement du statut de l’archipel de collectivité d’outre-mer française à celui de 101e département français.
Les Comores estimant que Mayotte leur appartient réellement, il n’est pas étonnant que les autorités comoriennes condamnent le renvoi des migrants et tentent de refuser les bateaux que les forces françaises utilisent pour expulser les migrants de Mayotte. Le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme française, Jean-Marie Burguburu, a également appelé à l’abandon de l’opération dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. La fin de l’opération Wuambashu est également réclamée par le Fonds des Nations unies pour l’enfance, connu sous le nom d’Unicef, qui estime que l’opération affectera gravement les enfants migrants vivant à Mayotte. En 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la détention arbitraire de deux enfants en détention administrative dans l’affaire Moustahi c. France. Cependant, cela n’a pas changé les pratiques à Mayotte, et il n’y a pas encore eu de jugement définitif contre l’opération d’expulsion dans son ensemble. De ce fait, l’interlocuteur place ses espoirs ailleurs.
Jusqu’à présent, les actions en justice ont eu lieu au niveau local. Fin avril, le tribunal de Mamoudzo, la capitale de Mayotte, a suspendu temporairement l’expulsion du campement de Majicava, où vivent environ 80 familles venues des Comores il y a des années. Le tribunal a jugé que l’opération n’avait aucune base légale et constituait un danger pour les libertés civiles. Les autorités locales ont fait appel de la décision, mais la procédure est toujours en cours. Un syndicat de plus de 400 organisations locales et étrangères a fait appel de l’expulsion auprès du tribunal.
Au début de l’opération, les Comores ont refusé les bateaux transportant des migrants expulsés de Mayotte, mais ont ensuite commencé à les laisser entrer dans le pays. Jusqu’à présent, ils ont accueilli environ 10 000 personnes. La France a proposé une compensation financière au pays pour le retour des migrants aux Comores, mais le président comorien Azali Assoumani l’a refusée.
Les manifestations se poursuivent à Mayotte depuis le début de l’opération Wuambushu. La semaine dernière, de nombreux maires de villes des Comores se sont joints aux manifestants.
Sur Twitter, depuis le début de l’opération, les habitants publient des témoignages de violences policières à Mayotte, où des affrontements ont eu lieu entre manifestants et forces de l’ordre. Les autorités françaises ont dépêché à Mayotte 1 800 membres des forces de sécurité françaises, dont des centaines envoyés depuis la métropole. L’unité CRS 8, récemment lancée en métropole comme fleuron d’une nouvelle génération de police anti-émeute, a déjà utilisé plus de 650 grenades lacrymogènes, 85 grenades à plomb et 60 balles en caoutchouc. C’est la même unité qui réprime les manifestations dans toute la France métropolitaine.
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