Ces deux clubs relégués vont, comme Metz, toucher beaucoup de revenus commerciaux et de droits TV. Mais ces cagnottes ne leur garantissent en aucun cas une ascension express. En raison des différents épisodes judiciaires, il est difficile d’estimer l’état des finances de Bordeaux. Saint-Etienne, de son côté, a annoncé un budget de 30 millions d’euros. Ce sera le plus important du championnat. « Mais ce n’est pas forcément extraordinaire, nuance Luc Arrondel, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’économie du football. Quand Toulouse est descendu en 2020-21, ils avaient 26 millions d’euros. »
Des données toujours bien au-dessus de la moyenne de la Ligue 2, estimée à 10 millions d’euros. « Les clubs qui descendent ont des budgets conséquents, car ils perçoivent encore les droits TV de la Ligue 1 », poursuit l’économiste. Du fait de leur exposition et de leur popularité, Saint-Etienne et Bordeaux devraient engranger une cagnotte bien plus importante que les clubs de L2. En 2020-21, ils étaient 8e et 9e du « classement des droits TV » d’élite, recevant ainsi plus de 20 millions d’euros.
Contribution CVC six fois plus importante pour les clubs relégués
Surtout, fait nouveau, les clubs relégués vont recevoir plusieurs millions d’euros grâce aux accords entre la LFP et le fonds d’investissement CVC, même si le montant exact n’a pas été communiqué. Metz, 19e de Ligue 1 l’an passé, est aussi concerné. En comparaison, les écuries déjà en Ligue 2 l’an passé récolteront… six fois moins. « Ces droits commerciaux créent des gouffres, alors que nous, on se bat pour avoir difficilement huit millions de budget », indique Didier Tholot, entraîneur du Pau FC, 10e l’an passé. Le club béarnais présentera à nouveau l’un des plus petits budgets du championnat.
Mais, même substantielles, ces différences ne sont pas irrémédiables. « Ils sont beaucoup moins importants qu’en Ligue 1, note l’économiste Luc Arrondel. C’est pourquoi il y a des surprises, comme Nancy, reléguée avec un gros budget l’an dernier. » Le graphique suivant le montre : en Ligue 2, sur la saison 2020-21, sportif et économique n’ont pas toujours été liés. Deuxième budget du championnat, Caen avait sauvé sa peau de justesse, tandis que Clermont était reparti avec le quinzième budget. « En Ligue 2, on peut faire les choses pas trop mal avec un petit budget », abonde Didier Tholot. A l’inverse, présenté comme le « PSG de L2 » avec des recrues de choix, Dijon a joué le maintien l’an dernier. Le DFCO sera revanchard, comme une poignée d’outsiders autrefois déçus.
« Caen a de l’ambition, le Paris FC a raté la montée deux fois de suite, Sochaux est structuré, Guingamp veut faire un grand championnat… De moins en moins d’équipes jouent pour ne pas descendre. »
Didier Tholot, entraîneur du Pau FC à franceinfo : sport
Même ambitieux, ces clubs disposent d’un budget bien inférieur à celui de l’ASSE. Contacté, le FC Metz ne nous a pas répondu à ce sujet. Cela n’empêche pas les clubs relégués de faire profil bas malgré leurs moyens. L’affaire est très incertaine pour Bordeaux, dont le recrutement reste suspendu avec un passage devant la DNCG. « C’est un championnat très long et homogène, tout le monde peut y battre tout le monde », a humblement déclaré l’entraîneur stéphanois Laurent Batlles en conférence de presse. Christophe Delmotte, député de Metz, a qualifié ce partage de « très difficile ».
Les Grenats sont pourtant spécialistes des opérations d’ascension. En 2015-16 et 2018-19, ils sont revenus dans l’élite l’année suivant leur descente. Mais ce cas reste isolé : sur les dix dernières saisons, seul Troyes a aussi réussi. Le taux de recouvrement immédiat, autour de 12 %, est affamé. En moyenne, les clubs relégués ont passé trois ans à ronger leur frein avant de revenir dans l’élite. 45% des équipes descendues au cours de la dernière décennie n’ont plus goûté à la Ligue 1. Nantes, Lens et Monaco font partie des grosses formations récemment tombées en Ligue 2. Ils y ont joué ensemble en 2012-13. Leur notoriété et leur popularité suscitent alors un certain engouement lors de leur déménagement. Des équipes modestes comme Istres et Niort y avaient enregistré leur meilleure affluence, quand 10 000 âmes se sont ruées dans l’enceinte tourangelle face à Monaco.
Le ruissellement sera retardé
Observera-t-on un phénomène identique cette saison ? « Tu vas jouer à guichets fermés contre Bordeaux et Saint-Etienne, mais c’est un match par saison », tempère l’économiste Luc Arrondel, pas convaincu qu’un « second tour » s’opère. « En revanche, c’est peut-être plus visible, ajoute-t-il. C’est peut-être plus facile de négocier des droits TV et d’avoir des revenus commerciaux. »
Cette « premiumisation » de la Ligue 2 est, en tout cas, partie à ancrer. Avec quatre parcours exceptionnels cette saison en L1, il n’est pas idiot d’imaginer qu’un nouveau cador tombe. Quand l’antichambre opposera 18 clubs, dès la saison 2023-24, il y aura encore moins de place pour les petites équipes. L’entraîneur caennais Stéphane Moulin y voit même une « Ligue 1 bis », dans une interview pour le site spécialisé Ma Ligue 2. Malgré les différences économiques, la multitude de prétendants combinés aux deux endroits secs pour l’élite rendront le feuilleton passionnant.
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