Le burkini controversé

Le burkini est au centre des débats politiques de l’été en France. Dans trois villes françaises, deux sur la Côte d’Azur et une en Corse, les maires ont déjà interdit le maillot de bain musulman, qui couvre tout le corps féminin, et dans certains endroits, ils s’y préparent avec impatience. Le Premier ministre Manuel Valls s’est ensuite joint à la controverse cette semaine et est devenu le premier homme politique de haut rang à soutenir l’interdiction. Le chef du gouvernement socialiste a déclaré que le maillot de bain musulman était « un instrument d’un projet politique asservissant les femmes » et à ce titre « n’est pas compatible avec les valeurs françaises ».

La controverse a ainsi pris un nouvel élan et l’opposition au maillot de bain trois pièces « islamiquement correct » – avec couvre-chef, tunique et pantalon – a obtenu un soutien politique clé. Apparemment, plusieurs stations balnéaires françaises se préparent à une interdiction similaire, même si les burkinis y sont rares sur les plages. Photo au milieu du numéro du journal Libération a montré une plage de Marseille avec trois femmes portant des vêtements s’identifiant comme musulmanes : l’une en tee-shirt et pantalon sans hijab, l’autre en tunique et hijab ; le troisième dans une sorte de version burkini. Les maillots de bain jouaient avec les enfants dans l’eau.

Le contexte est primordial en politique, et le burkini n’est pas différent. Cette interdiction ne peut se comprendre sans le contexte des attentats terroristes et de la prolongation de l’état d’urgence en France après l’assassinat de Nice en juillet. En ce sens, la mesure n’est même pas surprenante, même si elle est contre-productive. L’interdiction du burkini avec interprétation d’une menace sécuritaire, qui a également été confirmée par le tribunal administratif après la décision du maire de Cannes, remporte facilement un franc succès. Surtout dans l’atmosphère politiquement tendue qui précède l’élection présidentielle du printemps prochain, alors que toutes les forces politiques rivalisent pour se montrer plus intransigeantes face à la menace islamique potentielle.

Et pourtant, il est plus qu’évident que le modèle français ne fonctionne pas. L’interdiction de la burqa dans les lieux publics en France en 2010 n’a rien résolu. L’indignation suscitée par le burkini est le reflet du malaise de la société française et de la coexistence ratée avec les musulmans. Les vêtements musulmans sont devenus controversés en période de terrorisme : pour certains, le burkini est un symbole religieux provocateur, pour d’autres, il s’agit simplement d’une question de liberté personnelle, tous deux témoignant d’une divergence au sein de la tradition française de laïcité. La France définit le concept de laïcité de plus en plus rigidement, voire ethnocentriquement – de telle sorte que les personnes qui cultivent des pratiques musulmanes évidentes et portent des vêtements musulmans ne peuvent pas être de bons citoyens, m’expliquait au printemps un politologue de la Sorbonne à Paris.

Le phénomène n’est pas exclusivement français, des controverses individuelles de ce type peuvent être observées en Belgique, en Allemagne et au Maroc. Le sujet préoccupe de nombreux pays européens, les médias critiquent de nombreux travaux, les politiques pèsent leurs actions. Le ministre italien de l’Intérieur, Angelino Alfano, a déjà déclaré que de telles mesures pourraient avoir le résultat exactement inverse, en déclenchant une attaque terroriste.

D’ici la fin de l’été, les burkinis ne seront plus d’actualité, mais la sensibilité à tout ce qui s’identifie comme musulman reste une priorité dans l’agenda politique français et européen.

Frédéric Charron

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